Histoire du Kendo


Ken :  剣.

Dans la mythologie japonaise, le sabre constitue un élément essentiel de la famille impériale et symbolise le pouvoir.

Son procédé de fabrication est un long parcours empreint de spiritualité et nécessite la coopération de maîtres forgerons et polisseurs garants d’une tradition familiale séculaire.

Chaque sabre est une œuvre d’art unique et le peuple japonais attribue à l’œuvre, en tant qu’instrument de vie et de mort, des pouvoirs divins.

Notre culture occidentale nous incline à porter un regard critique sur cet aspect fétichiste de la culture nippone. Il est toutefois impératif de ne pas s’arrêter sur cette première impression et de prendre soin d’élargir notre étude au deuxième kanji du mot kendo.

Do : 道

Le symbole représente l’homme en marche sur son chemin spirituel avec une tête à la chevelure improbable. C’est la voie.

La voie symbolise une direction, le chemin que l’on prend pour étudier dans le but de s’élever en tant qu’individu. L’utilisation de l’arme devient le moyen d’y parvenir.

Au Japon, cette disposition ne souffrira d’aucun compromis. Persévérance et ténacité en sont les maîtres mots. La soif de connaissances, d’expérimentations et d’efforts, tant physiques qu’intellectuels y est remarquable.

 

Le Kendo ou la « voie du sabre » est l’art martial le plus intimement lié à la culture japonaise. Premier sport national dans les écoles japonaises, son développement mondial n’est autorisé qu’à partir des années 1960. Il est soumis à une stricte observation des recommandations impulsées par les hauts gradés japonais considérés dans leur pays comme « trésors nationaux » car ils sont les représentants vivants de l’histoire du Japon.

Cette histoire guerrière, imposera plusieurs siècles de loi martiale et contraint le peuple japonais, tiraillés par les rivalités entre les différents clans, à développer l’art du combat au sabre jusqu’à des niveaux toujours inégalés.

 

Vers le 12ème siècle de notre ère, le Samouraï dont la tâche essentielle est la maîtrise du kendo à seule fin de faire face aux situations conflictuelles impliquant n’importe quel type d’arme, élargi l’étude spirituelle de la voie du sabre.

Évoluant au sein de l’aristocratie du pays, sa compétence se développe également vers d’autres voies que sont la peinture, la calligraphie, le théâtre, le thé ou la religion.

 

A partir du 16ème siècle l’histoire tourmentée du Japon trouve enfin la paix par une réunification forcée des différentes régions.

Des légions de combattants se retrouveront privées de leur activité première et, la bombe à retardement que pourrait constituer une telle situation sera désamorcée par une stricte autorité martiale et par l’autodiscipline de ces guerriers.

Cette période marquera l’apogée de l’esprit religieux dispensé par les moines zen au sein des écoles de sabre.

Loin de contrecarrer la nature profonde de l’homme de combat, le zen marquera de son empreinte l’esprit du guerrier et le conduit progressivement sur la voie « du sabre de vie ».

Cette métaphore symbolise un niveau de maîtrise qui permet de détourner une attaque sans pour autant entraîner une mort inévitable. La confrontation devient vivante, l'echange riche d'enseignement.

 

La voie du sabre, discipline physique basée sur les principes fondamentaux du maniement du sabre, interroge l’être humain. La vie ne tenant qu’au fil du sabre, le rapport étroit avec une disparition imminente interpelle.

En passant par la forge que constituent les heures d’entraînements, l’esprit peu à peu se libère de ses contraintes.

Placé au centre d’une situation d’opposition il devient libre d’entreprendre ce que bon lui semble et son efficacité en devient redoutable.

 

Actuellement, le kendo est l’un des seuls sports de combat dans lequel l’assaut est réel, la confrontation entre combattant ne peut être feinte malgré l’utilisation d’une arme en bambou et l’armure de protection.

Pour autant, les accidents y sont insignifiants, le partenaire ne faisant qu’amplifier nos craintes et nos doutes au moment de son attaque.

Ce sont ces maux de l’esprit qui deviennent les cibles à détruire et le combat inspire naturellement un profond respect entre pratiquants pour l’entraide mutuelle apportée au moment des assauts.

Cet état de conscience, influencé par l’esprit du zen se retrouvera en compétition. Aux championnats du monde, pour ne citer que cet exemple, il n’existe pas de démonstration outrancière de joie lorsque les finalistes remportent un combat difficile car celui-ci n’est qu’un pas de plus sur le chemin tracé.

Que l’on ait un tempérament guerrier ou non n’est pas un critère pour la pratique, c’est le jeu dans une situation d’opposition qui développera notre vigilance et nous permet au fil du temps de répondre de la manière la mieux adaptée.

Le choix de pratiquer un art martial doit être volontaire et demande des efforts, les bénéfices ne sont que personnels et imposent en tout état de cause beaucoup d’humilité.

Pratiquer sincèrement, intelligemment et patiemment permet à l’individu de mieux appréhender son environnement.

Mis à la disposition de la collectivité, cette manière de vivre sa vie est extraordinairement efficace.

Le traité des cinq roues, sur les stratégies de combat au sabre, laissé à la postérité par l’escrimeur de renom Miyamoto Musashi en 1645 est l’un des ouvrages de référence des entreprises actuelles pour lancer leurs offensives commerciales sur les marchés mondiaux.

Cet esprit martial transposé au monde moderne permettra le passage de l’état féodal japonais à l’une des plus puissantes économies mondiales et cela en moins d’un siècle.

Moio Éric

Bibliographie

Thomas Cleary : La voie du Samouraï

Pierre Delorme : 

  • La voie du sabre
  • Dojo, le temple du sabre
  • La révolution du savoir être

 

William Scott Wilson : Musashi

Issai chozanshi : Le sermon du Tengu

Yagyu munenori : Le sabre de vie

Takuan Soho : L'esprit indomptable

Claude Durix : le sabre et la vie

Yamamoto Tsunetomo : Hagakure

Miyamoto Musashi : Traité des cinq roues

Serge Degore : Pratique de l'escrime Japonaise

Risuke Otake : Le sabre et le divin

Georges-Henry Perrin : Kendo Moderne

Kenji Tokitsu : La recherche du Ki

Claude Hamot, Yoshimura Kenichi : Budoscop 10